Allez Les Laids

Allez Les Laids
Les Laids

Éloignez vos petits-enfants et votre assureur du poste de radio, Les Laids sont arrivés !

Depuis le temps que je m’ennuie de la chanson française et que je me cantonne aux anciens, défunts ou vivants… Les chansons à texte sont plus souvent le prétexte pour vomir son pathos que pour jouer avec les mots. On ne le répétera jamais assez, il est possible de faire sonner notre langue en chanson sans passer par celle de Shakespeare, de faire rire sans incursions en dessous de la ceinture et de faire danser sans abrutir.

Après un long désespoir rempli de quelques chanteuses toulousaines, de Ferré, de Brassens, des Mouches Voler et de Gérard Pierron, « je monte le Volume[i] ». C’est la deuxième fois que j’assiste à une performance du groupe « Les Laids »et, même si mes pieds sont joyeusement ancrés au sol de façon assez systématique, ce sympathique groupe azuréen arrive à les faire bouger presque en rythme.

Les Laids sont nés il y a deux cent mille cinq cent ans, c’est vieux, c’est loin. Mais sont-ils nés si laids ? Imaginez un seul instant des textes déjantés, remplis à ras la gueule de second degré, de jeux de mots idiots et de cynisme, le tout empaqueté gentiment dans des musiques de facture tour à tour rock, disco, pop, gnaoua, classique voire de comptine enfantine.

Ça bouge, c’est drôle, c’est tendre aussi parfois. Mais ne nous y trompons pas, il serait dommage de prendre Les Laids pour un groupe simplement rigolo. Si la joyeuse équipe prend plaisir à vous faire bouger et rire un bon coup, elle n’en est pas moins talentueuse. Tout est ici rodé, précis, bien écrit, équilibré tant et si bien que cela paraît bien naturel. C’est la qualité essentielle des joyeux Laids, on peut dire des choses profondes sans en avoir l’air, mais si madame.

Point central du groupe, le chanteur, William Tissy, est une sorte de Jim Carrey survolté, au jeu de scène désordonné, monté sur ressorts et à la voix protéiforme, du chanteur de rock dur jusqu’au falsetto le plus élégant. Outre sa présence, son énergie et son timbre de voix mobile, il sait tenir la plume pour faire rire mais aussi empaqueter l’humour dans le papier empoisonné des sarcasmes…à moins que ce ne soit l’inverse. Avec des allures de marchand de tapis, couvert de bandages, il vous ferait passer les karkabous gnaoui pour des percussions moldaves avec un naturel désarmant.

Passés à la moulinette parodique, Bob Azzam, Barbara, le Grand Orchestre du Splendid, Sheikha Rimitti et Johann-Sebastian ! Vous écoutez la radio mais ne reconnaissez pas les paroles ? C’est normal, la schizophrénie musicale s’est emparée de vous telle une pieuvre tapie dans les recoins de votre mémoire. La variété en prend un bon coup dans les gencives et c’est tant mieux. Contre-chant, chant tuilé ou questions réponses débordent du cadre rock-pop ludique. La section rythmique est faite d’une basse ferme et ronde, dans les mains de Manu Mat, l’air désabusé et nonchalant, feignant l’indifférence en étant pourtant dans le groove, Virgile Torture et ses toms maniant les percussions avec une sobriété ô combien énergique et le clavier essentiel de Marion Nabel qui flirte aussi vocalement avec William. Moni Gilyco et Jean Poilu croisent violoncelle et guitare électrique pour donner du modelé à l’efficacité des quatre autres larrons.

Entendre sur scène cet attelage bariolé, couvert de rustines, interprétant son propre répertoire fait « comme à la brocante » mais pourtant identifiable au premier coup d’ouïe, grande qualité s’il en est, communique une joie inextinguible et un besoin irrépressible de bouger. Et si la jeunesse, nombreuse à leurs concerts, se prend au jeu de la chorégraphie de « Séchez les ongles », il n’est pas dit qu’elle ne comprenne pas l’absurdité du texte.

Les Laids sont le bel exemple que l’on peut se faire plaisir sérieusement sans se prendre au sérieux, soigner ses arrangements, écrire des textes exubérants et vous faire danser en ménageant votre nostalgie car les mammouths adorent la choucroute !

Allez Les Laids !

En bonus, l’inénarrable « Sécher les ongles » !

[i] Le Volume, Association La source, 6 rue Defly, Nice.

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