Convenir, règle et usages

par | Déc 10, 2017 | Usages | 0 commentaires

L’usage et la règle se contredisent parfois et en matière de langage, les contradictions sont nombreuses. Ainsi, nous lisons souvent : « nous avons convenu de » ou « nous avons convenu que ». Pourtant, le Dictionnaire de l’Académie française, dans sa neuvième édition, précise l’emploi fautif de l’auxiliaire avoir. La forme ainsi recommandée est « nous sommes convenus de » ou « nous sommes convenus que ».

Rappelons d’abord que convenir, dans le sens de plaire, se conjugue avec l’auxiliaire avoir (« ce travail a parfaitement convenu à ses clients »).

Dans le sens d’être d’accord, convenir se conjugue avec être :

Nous sommes convenus (de/que…)
Nous sommes convenues (de/que…), si les personnes représentées par nous sont explicitement de genre féminin (trois sœurs).

L’emploi d’avoir dans ce sens est prohibé par les puristes et l’Académie française :

« Dans cet emploi, Avoir convenu de est fautif. On ne doit pas dire et moins encore écrire : nous avons convenu de, mais nous sommes convenus de. » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd.).

Plus prudent et plus intelligent des mouvements de la langue (ce qui le rend si utile à l’usager pressé), Girodet (Dict. Bordas des difficultés) note que l’emploi avec avoir tend à se généraliser mais recommande de l’éviter « dans la langue surveillée ».

En effet, Grevisse et Goosse (Bon Usage, 15e éd., 2011, § 814, b, 2°) citent plusieurs exemples de l’emploi d’avoir convenu chez Stendhal, Roman Rolland, Proust, Montherlant, Gide, Mauriac, Bernanos, Colette, Gracq — et mentionnent leur existence chez Francis Jammes, Pierre Benoit, Marcel Arland, André Chamson, Julien Green, Daniel-Rops, Paul Léautaud, Marcel Aymé, Jean Giraudoux, Charles de Gaulle, Thierry Maulnier, Alain Peyrefitte… et relève que déjà Littré citait Rousseau en le condamnant.

La quatrième édition du Bon Usage (1949, p. 502), sous la plume du seul Grevisse, était d’ailleurs plus explicite :

« Cette distinction est “subtile et franchement arbitraire”, dit l’Office de la langue française (cf. revue Université, févr. 1938, p. 127). — Il n’est pas douteux, en effet, que le bon usage actuel n’autorise l’emploi de l’auxiliaire avoir avec convenir […] dans le cas où la règle officielle demande l’auxiliaire être. »

En somme, le choix est offert entre la forme recommandée par l’Académie et un emploi de l’auxiliaire avoir réputé fautif… mais en compagnie de maints académiciens (français ou Goncourt, et non des moindres toujours) !

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